Au cœur d’Ostende, à une hauteur vertigineuse, Dimitri Proost et son restaurant Haut flirtent avec les sommets. Lors de cet entretien, il est revenu sur son évolution culinaire, sur la signification de sa première étoile Michelin et sur son lien profond avec la Ville du Bord de Mer.
Un peu de folie, ça ne fait pas de mal, non ?
“Merci ! C’était passionnant. La préparation fut éprouvante, mais le moment venu, je suis resté très calme. Lorsque j’ai entendu prononcer le mot ‘Ostende’, je me suis aussitôt dit ‘C’est dans la poche’. Ce fut un énorme soulagement.”
“Je l’espérais, c’est sûr. C’était notre objectif. Mais après moins d’un an d’activité, c’était loin d’être acquis. Je ne connaissais pas grand monde à Ostende. Ce fut donc aussi l’occasion de découvrir un nouveau public.”
“C’est vertigineux. Certains jours, nous flottons littéralement au-dessus des nuages. La vue sur le coucher du soleil y est magique.”
“Ça me frustre parfois, c’est vrai. Vous êtes en plein service et tout à coup, la salle du restaurant se vide. Mais en même temps, ça a quelque chose d’inspirant. Je suis d’ailleurs en train de travailler là-dessus. Je voudrais créer un plat que nous servirions à ce moment précis sur la terrasse. Une assiette qui magnifierait le coucher de soleil ! Plutôt que de vivre cet instant comme une coupure, j’aimerais l’inclure dans une expérience globale.”
“De la maison. Mon père était un excellent cuisinier. Il est malheureusement décédé trop tôt. Ma grand-mère avait un potager. Je me souviens des odeurs, des goûts, de ses gésiers de poulet… C’est de là que je tiens mon amour des produits purs.”
“Exact. Je suis parti seul, avec une liste d’adresses de Luc Hoornaert, un passionné de gastronomie. Je n’y connaissais rien aux sushis. Je trouvais même ça bizarre. Mais une fois sur place, tout est devenu clair. La précision, la pureté… Ça ne m’a plus jamais quitté.”
“C’est quelque chose que j’ai vu au Japon. Les poules vivaient sur la plage et se nourrissaient uniquement de ce que la mer rejetait. Cela change totalement le goût. J’ai pensé un moment faire ça à Ostende, mais je sais que les gens m’auraient regardé bizarrement. Donc oui, ça restera sans doute un rêve… mais un beau rêve. Un peu de folie, ça ne peut pas faire de mal, non ?”
“Parce que je ne voulais pas être étiqueté ‘maître sushis’. Je veux pouvoir me réinventer… Raconter des histoires basées sur les saveurs du monde : japonaises, françaises, méditerranéennes. Ne jamais sombrer dans la routine, mais continuer à créer.”
Ostende est mon terminus.
“En effet ! Nos plus jeunes collaborateurs ont 19 ou 20 ans. Je les invite à nous parler d’un thème qui leur tient à cœur. Ou d’un sujet que tout le monde devrait connaître. La musique de Prince, par exemple, ou la bombe atomique sur Hiroshima... C’est ludique et formateur en même temps.”
“Absolument. La trentaine, c’est l’âge d’or. Je me sens plus fort, plus sûr de moi. J’ai vécu beaucoup de choses. Un burn-out, une dépression. L’Espagne m’a ensuite aidé à trouver la sérénité. Aujourd’hui, je sais que j’ai besoin de cet équilibre.”
“La musique m’aide beaucoup. J’ai une platine à la maison. J’écoute souvent Nina Simone. J’ai aussi appris à apprécier la solitude. Mais au travail, je me donne à fond, tout en me réservant des plages de liberté. Quatre jours de service… c’est le rythme qui me convient.”
“Il m’arrive d’en parler comme de mon terminus. Dans le bon sens du terme. Je voudrais rester ici. Y construire quelque chose. Ostende, c’est l’histoire, la mer, l’horizon. Je veux mettre la ville à la carte, pas seulement avec cette étoile, mais aussi avec des assiettes qui racontent une histoire.”
“Evidemment. J’ai dit un jour que je me donnais jusqu’à 2030 pour décrocher cette deuxième étoile. Après, on verra. Nous travaillons dur, avec une équipe jeune et motivée. Mais surtout, je le fais avec passion. Par amour du métier. Et pour les gens.”