Interview de Dimitri Proost, chef étoilé de HAUT

Au cœur d’Ostende, à une hauteur vertigineuse, Dimitri Proost et son restaurant Haut flirtent avec les sommets. Lors de cet entretien, il est revenu sur son évolution culinaire, sur la signification de sa première étoile Michelin et sur son lien profond avec la Ville du Bord de Mer.

Dimitri Proost Haut

Un peu de folie, ça ne fait pas de mal, non ?

Dimitri Proost

Toutes nos félicitations pour votre première étoile Michelin ! Comment avez-vous vécu ce moment ?

“Merci ! C’était passionnant. La préparation fut éprouvante, mais le moment venu, je suis resté très calme. Lorsque j’ai entendu prononcer le mot ‘Ostende’, je me suis aussitôt dit ‘C’est dans la poche’. Ce fut un énorme soulagement.”

Vous vous y attendiez ?

“Je l’espérais, c’est sûr. C’était notre objectif. Mais après moins d’un an d’activité, c’était loin d’être acquis. Je ne connaissais pas grand monde à Ostende. Ce fut donc aussi l’occasion de découvrir un nouveau public.” 

L’endroit est particulier aussi. Au 28e étage d’une tour, avec vue sur mer. Ça fait quoi d’officier si haut ?

“C’est vertigineux. Certains jours, nous flottons littéralement au-dessus des nuages. La vue sur le coucher du soleil y est magique.”  

Vous avez raconté que les clients sont nombreux à quitter le restaurant quelques instants pour admirer le coucher de soleil. En tant que chef, ça vous frustre ou ça vous inspire ?

“Ça me frustre parfois, c’est vrai. Vous êtes en plein service et tout à coup, la salle du restaurant se vide. Mais en même temps, ça a quelque chose d’inspirant. Je suis d’ailleurs en train de travailler là-dessus. Je voudrais créer un plat que nous servirions à ce moment précis sur la terrasse. Une assiette qui magnifierait le coucher de soleil ! Plutôt que de vivre cet instant comme une coupure, j’aimerais l’inclure dans une expérience globale.”

Haut

D’où vous vient votre passion pour la cuisine ?

“De la maison. Mon père était un excellent cuisinier. Il est malheureusement décédé trop tôt. Ma grand-mère avait un potager. Je me souviens des odeurs, des goûts, de ses gésiers de poulet… C’est de là que je tiens mon amour des produits purs.”

Et puis il y a eu ce voyage au Japon à l’âge de 17 ans…

“Exact. Je suis parti seul, avec une liste d’adresses de Luc Hoornaert, un passionné de gastronomie. Je n’y connaissais rien aux sushis. Je trouvais même ça bizarre. Mais une fois sur place, tout est devenu clair. La précision, la pureté… Ça ne m’a plus jamais quitté.”

Vous avez dit un jour que vous aimeriez élever des poules sur la plage pour créer un terroir unique. Ce projet verra-t-il bientôt le jour ? Ou est-ce plutôt un rêve un peu fou ?

“C’est quelque chose que j’ai vu au Japon. Les poules vivaient sur la plage et se nourrissaient uniquement de ce que la mer rejetait. Cela change totalement le goût. J’ai pensé un moment faire ça à Ostende, mais je sais que les gens m’auraient regardé bizarrement. Donc oui, ça restera sans doute un rêve… mais un beau rêve. Un peu de folie, ça ne peut pas faire de mal, non ?”

Vous avez aussi connu le succès avec un bar-restaurant japonais à Anvers. Pourquoi avoir arrêté ?

“Parce que je ne voulais pas être étiqueté ‘maître sushis’. Je veux pouvoir me réinventer… Raconter des histoires basées sur les saveurs du monde : japonaises, françaises, méditerranéennes. Ne jamais sombrer dans la routine, mais continuer à créer.”

Dimitri Proost

Ostende est mon terminus.

Dimitri Proost

On retrouve cette créativité chez les membres de votre équipe. Vous organisez des prises de paroles.

“En effet ! Nos plus jeunes collaborateurs ont 19 ou 20 ans. Je les invite à nous parler d’un thème qui leur tient à cœur. Ou d’un sujet que tout le monde devrait connaître. La musique de Prince, par exemple, ou la bombe atomique sur Hiroshima... C’est ludique et formateur en même temps.”

Avez-vous le sentiment que vous êtes arrivé là où vous vouliez être ?

“Absolument. La trentaine, c’est l’âge d’or. Je me sens plus fort, plus sûr de moi. J’ai vécu beaucoup de choses. Un burn-out, une dépression. L’Espagne m’a ensuite aidé à trouver la sérénité. Aujourd’hui, je sais que j’ai besoin de cet équilibre.”

Comment gérez-vous cet équilibre ?

“La musique m’aide beaucoup. J’ai une platine à la maison. J’écoute souvent Nina Simone. J’ai aussi appris à apprécier la solitude. Mais au travail, je me donne à fond, tout en me réservant des plages de liberté. Quatre jours de service… c’est le rythme qui me convient.”

Que signifie Ostende pour vous ?

“Il m’arrive d’en parler comme de mon terminus. Dans le bon sens du terme. Je voudrais rester ici. Y construire quelque chose. Ostende, c’est l’histoire, la mer, l’horizon. Je veux mettre la ville à la carte, pas seulement avec cette étoile, mais aussi avec des assiettes qui racontent une histoire.”

Vous rêvez d’une deuxième étoile ?

“Evidemment. J’ai dit un jour que je me donnais jusqu’à 2030 pour décrocher cette deuxième étoile. Après, on verra. Nous travaillons dur, avec une équipe jeune et motivée. Mais surtout, je le fais avec passion. Par amour du métier. Et pour les gens.”

Dimitri Proost de "Haut"

Dimitri Proost Haut
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