Entrevue avec Tim Corbisier des Proper Strand Lopers

Cet été encore, les Proper Strand Runners feront ce qu'ils savent faire de mieux : nettoyer la plage tous les soirs pour le lendemain. Mais cela ne revient-il pas à passer la raclette en laissant le robinet ouvert 

Tim Corbisier

Il est logique de terminer la journée de cette manière.

Tim Corbisier

Le responsable du projet, Tim Corbisier, en a conscience : dans un monde idéal, la première mission des Proper Strand Lopers serait de se rendre superflus. Mais on ne change pas les gens… et tous les soirs, de mi-juin à mi-octobre, la plage est jonchée de tonnes de déchets qu’il nous faut ramasser. 

Tim Corbisier : “Notre mission est claire : nous devons continuer jusqu’à ce que ce ne soit plus nécessaire. Mais ça relève de l’utopie. Ces dernières années, nous nous sommes également concentrés sur ce que la mer rejette. C'est souvent encore plus intéressant que ce que les gens laissent derrière eux".

Est-ce que vous en profitez pour interpeller activement les gens sur la plage ? 

“Toujours. Nous leur demandons si les déchets leur appartiennent et s'ils veulent les emporter. Mais les gens sont stressés. Ils arrivent à bord d’un train bondé. Toute la journée, ils doivent s'occuper des enfants et calmer l’excitation, se protéger du soleil, essuyer le sable… Les déchets ne font clairement pas partie de leurs priorités.”

Pendant les mois de vacances, vous travaillez avec des volontaires. Comment ça marche, en fait ? 

“Toutes les bonnes volontés sont les bienvenues. La cabine du chantier reste ouverte une heure. Vous pouvez vous y procurer le matériel nécessaire. Mais généralement, nous avons affaire à des habitués. Ils trouvent logique de clôturer leur journée de cette manière. Nous pouvons aussi compter sur des familles. Certains enfants voient ça comme une chasse au trésor.”

PSL

Qu’est-ce que vous ramassez habituellement ? 

“Disons globalement qu’il ne faut pas être dégouté. Mais à part les crasses, on trouve aussi des jouets et des accessoires de plage, des matelas, des parasols. Il nous est même arrivé de trouver des tapis. Sans compter ce que la marée laisse derrière elle. Il n’y a pas de limites. On trouve des vêtements, des serviettes, des textiles en tous genres… Nous les lavons et les séchons avant de les offrir à nouveau. C’est une façon de donner à notre travail une utilité circulaire.”

Cette année, ce n’est plus une simple cabine de plage. C’est carrément une baraque de chantier. On y organise même des activités !

“C’est vrai ! Elle fait trois mètres sur huit (rires) ! Nous y organisons des ateliers sur le thème des déchets et nous y exposons les objets trouvés. Ça va de trouvailles originales à ce que j’appelle des déchets ‘rétro’, en passant par le ‘trash art’. Nous avons par exemple trouvé un flacon de lessive de la marque Lux des années 60 au siècle dernier. Et j’ai trouvé un emballage Raider, dont on parlait encore récemment. Les canettes, c’est le pire. Elles mettent des siècles à se dégrader. On a notamment trouvé des canettes de Coca et de Stella des années 70...”

Vous gardez l’espoir malgré tout ?

“Bien sûr ! Le plus gros volume de déchets provient de la grève. C’est ce que la mer laisse derrière elle quand elle se retire. Avec le réchauffement climatique, nous risquons de trouver à nouveau plus de déchets sur les plages. La société change, et nous devons nous en accommoder. J’ai dernièrement interpellé une petite fille qui abandonnait un déchet. Quand j’ai essayé de lui expliquer que la mer allait l’emporter au large, elle m’a répondu : “N’est-ce pas déjà trop tard ?”. Il n’est pas question pour moi de tomber dans ce fatalisme.”

PSL
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